… sans oublier, bien sûr, les non genrés, les hermaphrodites, les transsexuels et, que Dieu me pardonne et que ceux qui ne croient pas en l'existence de Dieu me pardonnent de le nommer ici, tous ceux que j'oublie. Mais, juste là, je suis à bout. Vous voyez, quand mai 68 a eu lieu, moi j'étais déjà née. Et quand j'ai eu dix ans, outre le fait que j'écrivais ma première pétition, mes copines et moi, on se dessinait le signe "peace & love" sur les joues, les avant-bras, les tableaux noirs et les cahiers.
A l'adolescence, toujours mes copines et moi, on portait de longues robes indiennes, achetées justement dans des "boutiques indiennes", avec des grelots qui tintaient délicieusement lorsqu'on se déplaçait. On faisait brûler des bâtons d'encens chez nous, au désespoir de nos parents, et on parlait liberté - égalité - fraternité, avec un goût et un appel pour le droit à la différence. Un vrai droit à la différence.
Plusieurs de mes amis n'ont pas fait l'armée, parce qu'ils étaient objecteurs de
conscience, et ceux qui l'étaient pour toutes les raisons - morales - religieuses - politiques - et qui le disaient se faisaient emprisonner pour de longs mois.
C'est donc de là que je viens, voyez-vous. D'un endroit où le respect de la particularité et de l'altérité sont si importants.
Alors, ce soir, je me sens à bout. A bout de ce langage politiquement correct qui me flanque la nausée et me donne parfois envie de pleurer. Le déclencheur, ç'a été la publication du Nouvelliste sur l'inclusion des LGBT et j'ai oublié les autres lettres. Que tout le monde a poliment applaudi. Sauf ces sales cons d'homophobes, bien sûr. Parce qu'il n'y a pas, il n'y a plus le choix : soit on applaudit toute proclamation et toute revendication d'un droit à la différence dans ses préférences sexuelles, soit on un est homophobe pourri. Moi qui ne fais pas le premier sans être la deuxième, j'aimerais rappeler ici que c'est à cela principalement qu'on reconnaît le langage politiquement correct. Il divise. Les bons d'un côté et les mauvais de l'autre. La pureté originelle face à la corruption sociale. Les nantis et les brimés. Et je vous laisse continuer l'énumération vous-même si ça vous chante. A ce stade, je recommande aux puritains de cesser la lecture de ce texte. J'ai une amie qui se promène toujours avec un gode dans son sac à main. Cette amie est mère de famille et a un regard d'une candeur affolante. Comme elle m'a donné le droit de toucher à la chose et de la regarder de près, depuis, je me suis toujours interrogée. Que fait ce machin dans son sac à main ? Est-ce qu'elle l'en sort plusieurs fois par jour pour s'en servir ? Est-ce que ça la rassure face à l'idée d'une éventuelle érection défaillante de son compagnon ? Je n'en sais rien. J'ai aussi un ami fétichiste des pieds. Que ceux-ci soient puants après une journée passée dans des bas nylon et des chaussures synthétiques l'indiffère. Dès qu'il peut en toucher, il se pâme. Personnellement, qu'on m'effleure la nuque déclenche chez moi des frissons de plaisir. A un point tel que ça peut en devenir gênant lorsque je suis chez le coiffeur. Eh bien, croyez-le ou non, il n'est venu à l'idée d'aucun de nous trois de créer un groupe avec d'autres qui, comme nous, partagent un attrait commun pour une source de plaisir ou un comportement tant soit peu particulier. Qu'est-ce qu'il y a de libérateur à s'identifier à un comportement sexuel plutôt qu'à un genre ? Sincèrement, ça m'échappe. Donc je ne me sens pas femme, ou homme, même si j'ai le corps d'une femme, ou d'un homme, et je ressens le besoin de dire que je me sens non-genré et de m'associer à d'autres personnes qui se sentent non-genrées afin de m'affirmer. Enfin, plutôt, afin d'obtenir l'autorisation d'être accepté-e tel-le que je suis. Je suis homosexuel-le et je revendique le droit à la différence, tout en réclamant qu'il n'y ait plus de différence car, pour montrer que je ne suis pas différent-e, je veux pouvoir me marier et avoir des enfants comme n'importe quel-le hétéro. A n'importe quel prix et de n'importe quelle manière. A un moment où la planète est surpeuplée et où des milliers de gosses abandonnés, adoptables, vivent et meurent dans la rue.
La liberté ne se quémande pas. Elle se prend et elle se vit et n'est pas accompagnée d'un besoin d'approbation, qui nuit à une vraie reconnaissance de qui on est. Je pense que nos montagnes nous obstruent un peu trop la vue. J'ai toujours pensé que le caractère des personnes, le fonctionnement des sociétés, est corrélé au paysage. Chez moi, chez nous, en Valais, la délimitation nette du paysage, encagé au milieu de hautes montagnes, n'amène que très peu à une ouverture horizontale et le seul salut, on le trouve en levant le nez, dans une idée d'absolu qui n'est que très peu propice à une vraie fraternité. Ce matin au réveil, sur mon messenger, j'ai découvert le message haineux d'une mère, qui me disait que je n'ai rien compris à rien et que je protège les hommes violents. Ce soir, après l'envoi de mon parcours de l'Avent, qui invite à mieux se connaître, à ceux qui ont bien voulu s'abonner à mon blog, j'ai reçu d'une lectrice, en retour, un "Allez chier" aussi peu élégant que chaleureux, cette dame n'ayant apparemment pas compris qu'elle peut à tout moment se désabonner de mon blog. Tout à l'heure, je suis tombée sur Facebook sur d'abondants commentaires qui critiquent le fait que le réaménagement des rives du Rhône ait été attribué à un bureau lyonnais plutôt que valaisan, ou au moins suisse. Voyant comme l'urbanisation de Lyon a évolué ces dernières années, moi je suis plutôt contente que le lauréat soit un de ces visionnaires de là-bas.
Parce que, question de vision, il me semble que nos compétences ne sont pas au top, actuellement en tout cas. Il y a quelque chose qui me chagrine, presque infiniment. Cette croyance si répandue que compétences intellectuelles équivalent à intelligence dans l'action. Ce crédit qu'on accorde à ceux qui s'expriment bien, qui savent argumenter, qui sont intellectuellement vifs. Sans intelligence émotionnelle, ces capacités-là ne sont guère productrices que de davantage de division, de "moi je sais et pas vous", "j'ai raison et donc vous avez tort".
Que ce soit au plus haut niveau politique, dans la discrétion des foyers, au sein des entreprises, dans les associations, ce qui pourrit la vie, les échanges, toute évolution possible, c'est la non-mise en oeuvre d'une observation consciente de soi-même. C'est le refus absolu de voir sa part d'ombre et de la projeter alors sur l'autre. C'est pour cela que je ne fais plus de politique, que je ne suis plus active dans aucune religion, mais que j'oeuvre dans le développement personnel. Persuadée qu'un changement global est la résultante du changement intérieur de chacun.
Convaincue que ce n'est que par une présence consciente et éveillée à qui on est qu'on s'en sortira. Du conflit. Des divisions. De la haine. Du désir d'être approuvé et d'avoir raison. Ce texte est quelque peu décousu, je le sais, mais il a jailli de mes tripes face à trop d'insanité, de vanité et de nombrillicité accumulées.
Je le conclus avec une tendresse toute particulière pour cet homme de ma famille qui, dès qu'il a su marcher, voulait porter des talons haut et se maquillait. Qui est devenu un homme engagé, marié avec son amour et qui s'engage pour les autres dans son travail plutôt que de revendiquer un droit qu'il n'a plus besoin de revendiquer puisqu'il se l'est donné, signe certain de maturité. Avec, aussi, une pensée émue pour tous ceux qui, comme moi, sont discriminés depuis l'enfance en raison de maladies auto-immunes, qui nuisent à leur vie, à leur carrière, à leurs amours, à leur réputation souvent car la souffrance associée bien souvent ne se voit pas et qui cependant ne se victimisent pas.
Peace & love, mes frères. Et sœurs. C'est bientôt Noël !
La grandeur d'un être humain ne se voit pas dans l'intensité de sa frustration et de ses revendications. La bonté est dans les actes plutôt que dans les paroles. Et traiter l'autre comme on aimerait l'être est toujours d'actualité.